
En 2024, Crown Wars: The Black Prince a tenté de raviver l’âge d’or des jeux de stratégie tactique sur consoles en plongeant les joueurs dans le contexte troublé de la guerre de Cent Ans. Développé par le studio français Artefacts Studio, connu pour sa maîtrise du genre stratégique, et édité par Nacon, le jeu promettait une expérience historique intense mêlant batailles au tour par tour et gestion de domaine.
Ce titre semblait à première vue suivre les traces de classiques tels que Fire Emblem ou XCOM, tout en y intégrant une dose bienvenue de réalisme historique, nuancé par des éléments surnaturels subtils. Pourtant, l’idée d’un jeu tactique enraciné dans l’Histoire de l’Europe médiévale n’est pas nouvelle. Des titres comme Total War: Medieval II ont exploré cette période de manière stratégique, mais rares sont ceux à avoir tenté une perspective narrative centrée sur un seul lignage noble.
Mais cette combinaison d’éléments historiques et fantastiques fonctionne-t-elle vraiment ? Artefacts Studio a-t-il su proposer une fresque à la hauteur des ambitions affichées, ou ce projet s’est-il enlisé dans les méandres de la complexité stratégique ?
“Tuez-les tous, Dieu reconnaîtra les siens.” Cette sinistre citation, attribuée à l’inquisition du Moyen Âge, semble parfaitement illustrer l’ambiance générale de Crown Wars: The Black Prince. L’intrigue principale s’ancre dans un conflit bien réel : la guerre de Cent Ans, opposant la France et l’Angleterre pour la domination du royaume de France.
Le joueur incarne le chef d’une famille noble fictive, loyalement engagée dans ce conflit titanesque. Mais très vite, les enjeux dépassent les simples luttes de pouvoir politiques et territoriales : une organisation mystérieuse appelée “l’Ordre” manipule les événements en coulisses. Leur objectif : déclencher un cataclysme surnaturel en exploitant le chaos de la guerre.
Cette dualité entre faits historiques et mysticisme permet de maintenir un intérêt constant tout au long de la campagne. Les développeurs ont intelligemment distillé des éléments d’horreur occulte sans jamais basculer dans la fantaisie pure. Le joueur affronte des complots, enquête sur des rituels interdits et lutte contre des sectes maléfiques tout en participant à des batailles qui rappellent les grands conflits médiévaux.
L’histoire n’est pas seulement portée par ses événements, mais aussi par ses personnages mémorables. Chaque membre de la famille noble possède sa propre personnalité, ses ambitions et ses faiblesses. À mesure que la guerre progresse, les choix du joueur influencent leurs trajectoires, menant à des rivalités internes, des trahisons ou des alliances inattendues.
Ces personnages sont souvent tiraillés entre devoir et morale. La progression narrative est fluide et offre des dilemmes intéressants, bien que certaines décisions se révèlent trop prévisibles. L’écriture, sans atteindre des sommets littéraires, est efficace et soutenue par des dialogues crédibles.
L’essence même de Crown Wars: The Black Prince repose sur son gameplay tactique et stratégique. Le jeu combine combats tactiques au tour par tour, gestion de domaine et développement militaire, créant ainsi une boucle de gameplay diversifiée.
Les combats au tour par tour se déroulent sur des cartes quadrillées où le placement, l’initiative et la gestion des points d’action sont essentiels. Le joueur commande plusieurs unités, allant de l’infanterie lourde aux archers et cavaliers. Chaque personnage possède ses propres compétences et spécialités, permettant de personnaliser son armée selon son style de jeu.
Cependant, ces batailles, bien que satisfaisantes au départ, deviennent rapidement répétitives. Les cartes de combat manquent de variété, et les missions offrent peu d’objectifs alternatifs au-delà de l’élimination des ennemis ou de la défense de positions stratégiques. L’intelligence artificielle se montre souvent prévisible, ce qui atténue le sentiment de défi.
La progression des unités est, quant à elle, assez linéaire. Gagner de l’expérience permet de débloquer de nouvelles compétences, mais les options de personnalisation sont limitées, ce qui réduit la rejouabilité et la diversité tactique.
Sur le plan visuel, Crown Wars: The Black Prince adopte une direction artistique réaliste et sombre, fidèle à son époque médiévale marquée par la guerre et les épidémies. Cependant, la version Nintendo Switch accuse des compromis techniques notables dès les premières batailles.
Les textures sont visiblement moins détaillées, avec des environnements flous et des personnages aux visages simplifiés. Les éléments de décor, comme les forteresses ou les forêts, manquent de profondeur, rendant certaines cartes moins immersives. Les ombres dynamiques sont quasiment absentes, remplacées par des ombres statiques grossières, et les effets d’éclairage sont simplifiés au point de perdre une grande partie de l’ambiance pesante et inquiétante présente sur les autres versions.
En mode portable, la résolution chute davantage, passant visiblement sous les 720p, surtout lors des scènes de bataille chargées. Le flou général rend la lisibilité difficile dans certaines séquences de gestion du domaine, où les menus déjà peu ergonomiques deviennent un véritable casse-tête à naviguer.
En mode docké, la situation s’améliore légèrement, avec une résolution proche du 900p, mais les baisses de framerate deviennent alors plus fréquentes, notamment lors des combats massifs où de nombreux ennemis sont présents à l’écran. Les animations de combat sont déjà rigides à la base, mais sur Switch, elles sont encore plus saccadées, affectant l’impact visuel des affrontements.
Le cœur de l’expérience de Crown Wars: The Black Prince repose sur des batailles tactiques au tour par tour, où chaque unité possède ses propres statistiques, compétences et capacités spéciales. Sur Nintendo Switch, le framerate chute régulièrement sous les 30 FPS, notamment lors de l’exécution des attaques spéciales impliquant plusieurs unités à l’écran.
Les temps de chargement sont également problématiques. Chaque bataille s’accompagne d’un chargement initial de près de 30 secondes, une attente significative pour un jeu de stratégie au rythme déjà lent. Les transitions entre les phases de gestion et de combat accusent également de longues pauses, cassant le flux global de l’expérience.
En termes de contrôles, la Nintendo Switch propose deux configurations possibles : les joy-cons détachés en mode docké ou la prise en main portable classique. Si les commandes répondent globalement bien, la sélection des unités et des cibles est capricieuse, surtout en mode portable, où l’absence de zoom précis rend la sélection complexe dans des batailles regroupant plusieurs unités. Une compatibilité avec l’écran tactile aurait été bienvenue, mais elle est totalement absente.
La phase de gestion du domaine aurait pu être un point fort de cette version Switch, mais son interface complexe et surchargée rend la navigation laborieuse. L’absence de raccourcis efficaces contraint souvent le joueur à parcourir plusieurs menus successifs, un processus qui devient rapidement fastidieux.
Les icônes trop petites et les textes réduits posent également problème en mode portable, surtout sur l’écran relativement compact de la Nintendo Switch. Même en mode docké, les polices restent difficiles à lire, un défaut qui aurait pu être corrigé avec des options d’accessibilité plus poussées.
Malgré les nombreux compromis graphiques, la bande-son orchestrale de Crown Wars: The Black Prince conserve toute sa puissance sur Nintendo Switch. Les thèmes musicaux sombres et épiques accompagnent parfaitement les batailles, plongeant le joueur dans l’ambiance médiévale et mystérieuse du jeu.
Cependant, les effets sonores sont nettement moins convaincants. Les coups d’épée et les cris de guerre sont étouffés et mal synchronisés avec l’action à l’écran. L’immersion en souffre, notamment lors des cinématiques de combat, où l’absence d’effets sonores de qualité rend certaines séquences presque silencieuses.