Cœur d’Éther est un roman d’Océane Valentin paru aux Éditions Encre de Légende le 01 Octobre 2024. Il se compose de 444 pages, Luke Khan s’est occupé des nombreuses illustrations qui ponctuent cet ouvrage.

Le Frost

Par accident, Évangéline et Jasper trouvent le Cœur d’Éther. Ce dernier, doué de conscience, explique que l’adolescente n’est pas prête et la projette à Fendery. Évangéline refuse de laisser Jasper seul dans cette grotte, blessé de surcroît ; et décide de créer un nouveau portail pour aller le chercher. C’est une étheromancienne, elle peut manipuler l’Éther. Il s’agit d’une force extraordinaire qui n’est pas innée chez tout le monde, ceux qui en sont dépourvus se nomment les Inertes. Hélas, un désastre se produit en forçant les choses : une énorme faille apparaît, en émerge le Frost, une menace pour l’humanité qui engloutit tout sur son passage.

Les gens se font massacrer sans sommation, Évangéline glisse alors en second plan : nous faisons connaissance avec Ezekiel qui perd sa femme et sa fille de manière cruelle. Ils essaient de fuir, se font aider par Merissa, une femme qui se retrouve coincée dans sa voiture et leur demande de veiller sur son bébé. Elle accepte de mourir là. Contre l’avis de son frère, Archibald, Ezekiel recueille ce nourrisson pour l’élever comme sa fille.

Concernant Merissa que l’on suit fugacement, certes, elle a les jambes coincées dans une voiture, mais l’instinct animal peut accomplir des prodiges. Vous vous souvenez de la femme qui a soulevé une voiture à mains nues pour sauver son bébé ? Ici, le Frost représente un danger immédiat, ils ont agi au plus pressé ; toutefois, une mère fera toujours absolument tout pour la survie de son bébé. Et par extension, un bébé ne peut vivre sans sa mère. Il peut survivre avec du lait de substitution, l’amour d’un tiers, mais cela génère des traumatismes et il ne peut s’épanouir pleinement. Certains se laissent tout bonnement dépérir en ce cas. Le bébé est profondément rattaché à sa mère, surtout la première année de vie.

En bref, je pense que Merissa, en toute logique, aurait préféré se couper les jambes et qu’Ezekiel la porte, plutôt que d’abandonner son bébé à son sort.

Machines et fin du monde

Rivebay fait indubitablement penser à L’Attaque des Titans avec la menace du Frost à l’extérieur, l’Aspille contenue dans ses hauts murs qui préserve ses habitants, ses trois districts espacés qui rappellent les murs Maria, Rose et Sina ; les différentes castes sociales et l’injustice qui découle du pouvoir en place.

Malgré ces similitudes, Cœur d’Éther se démarque grâce à son univers steampunk qui mélange époque victorienne, mécanique, ainsi que de la science aux allures de fantasy. Ce roman prend le temps de bien implanter ses personnages, variés, superbement illustrés entre chaque chapitre.

Les Chevaliers, qui sont là pour faire respecter l’ordre, sont accompagnés de cybertogs, sortes de robots qui les épaulent dans leur mission. À l’opposé, les Éveillés forment un mouvement de rébellion contre la tyrannie mise en place par le Chancelier. Ils vivent dans des usines abandonnées pour la plupart et vouent un immense respect envers Amos, leur leader. Mais, est-ce qu’Amos est réellement juste dans ses actions ? Toute personne au pouvoir a sa part d’ombre…

Octavia, qui semble tout d’abord rangée aux côtés d’Angus, le Chancelier, s’avère beaucoup plus importante dans l’histoire. Au-delà de la beauté, elle a un rôle essentiel et sa relation avec Archibald est assez amusante à suivre.

Si le roman commence avec Évangéline, elle s’éclipse très vite pour laisser la place à Ezekiel, Archibald, Analia et Octavia. D’autres protagonistes gravitent autour d’eux, mais ils demeurent les véritables héros.

L’univers foisonne de détails, respectant les codes vestimentaires du XIXème siècle, tout en le remodelant de manière alternative qui implique son propre lore. Les étheromanciens par exemple, capables de manipuler l’Éther, les cybertogs qui dissuadent le peuple de se rebeller, l’Aspille qui protège les murs en calfeutrant la peur des habitants, le Frost la ressentant pour mieux cibler ses victimes.

Ce roman se lit facilement et, comme je le stipulais plus haut, les illustrations qui le jalonnent sont de toute beauté. Le trait est fin, soigné, pour un rendu semblable aux comics dans une époque victorienne. Le plan de l’omnibus qui survole la ville déborde d’imagination. Je ne connais pas Luke Khan, mais serais ravie de découvrir son univers (je n’ai pas trouvé son site d’illustrateur).

Petit bémol toutefois concernant les nombreuses coquilles et certaines incohérences : une personne égorgée ne peut pas crier par exemple, elle a les cordes vocales sectionnées et se vide de tout son sang… Elle glaviote tout au plus.

Quand Ezekiel perd sa fille, il recueille le nourrisson pour la remplacer derechef. En vrai, un deuil comporte plusieurs étapes et c’est surtout le choc qui devrait prédominer dans cette situation. On peut supposer que le lait en poudre existe également dans cet univers alternatif, puisqu’il a été créé en 1865 dans notre monde par Justus von Liebig.

Les phrases écrites en majuscules déconcertent. On comprend que les personnages hurlent, mais cet emploi se réserve avant tout aux Mangas, BD et Comics qui accentuent les cris à grand renfort de points d’exclamation et polices agrandies. Ici, elles choquent l’œil instantanément.

Heureusement, ces maladresses n’altèrent pas l’ambiance du livre, qui déborde d’imagination. Je suis convaincue que la jolie plume d’Océan Valentin se magnifiera encore dans les années à venir.