Enfoui au fond d’un grenier poussiéreux, un simple carton de cassettes vidéo devient la clé d’un mystère qui dépasse l’entendement. Amanda the Adventurer, développé par MANGLEDmaw Games et édité par DreadXP, débarque sur Nintendo Switch le 19 septembre 2023, emportant avec lui ce parfum d’innocence viciée qui imprègne les récits les plus inquiétants.
À première vue, tout semble anodin : une série animée pour enfants, des graphismes naïfs, une fillette souriante flanquée de son compagnon laineux. Pourtant, derrière la façade colorée se tapit une noirceur insidieuse. Chaque cassette visionnée est une plongée dans un monde faussement rassurant, où le langage même devient une arme et où le joueur, silencieux spectateur-acteur, est lentement aspiré dans un cycle de manipulation et d’angoisse.
En transposant son expérience sur la console hybride de Nintendo, Amanda the Adventurer conserve-t-il son pouvoir d’évocation inquiétante, ou cette atmosphère pesante se dissout-elle dans le confort portable de la Switch ? Le grenier refermera-t-il ses secrets… ou vous enfermera-t-il avec eux ?
Marionnettes de celluloïd et vérités étouffées
Sous ses airs de fable interactive, Amanda the Adventurer tisse un récit volontairement minimaliste mais lourd de sous-entendus, où la légèreté du dessin animé pour enfants devient l’écrin d’un cauchemar insidieux. Vous incarnez Riley Park, un personnage presque effacé, découvrant par hasard de vieilles cassettes dans le grenier de leur tante disparue. À mesure que vous visionnez ces épisodes apparemment inoffensifs mettant en scène la pétillante Amanda et son fidèle compagnon Wooly, une réalité plus sombre émerge, fissurant peu à peu la façade cartoonesque.
Amanda, au fil des bandes, dévoile des comportements de plus en plus troublants : regards insistants vers la caméra, choix de dialogues imposés, réactions agressives aux mauvaises réponses. Le joueur n’est pas simplement invité à suivre l’histoire, mais à interagir, à répondre aux questions sous la menace implicite d’un châtiment invisible. L’innocence devient une arme, l’interactivité une mise en accusation permanente.
Wooly, quant à lui, incarne la conscience vacillante d’un monde sous contrôle. Dès les premiers épisodes, ses regards craintifs, ses interruptions maladroites, trahissent une tentative désespérée d’alerter le spectateur sans briser l’illusion imposée par Amanda. Ce décalage subtil entre le ton enjoué et la terreur sous-jacente constitue l’une des forces narratives majeures du jeu.
La progression narrative repose sur la découverte progressive de vérités enfouies : fragments d’archives, indices cryptiques, et micro-changements dans les cassettes selon vos choix. Le scénario, loin d’être livré frontalement, privilégie la suggestion et la paranoïa, laissant planer un voile d’incertitude même après avoir bouclé toutes les fins disponibles. Plutôt que de tout révéler, Amanda the Adventurer s’amuse à éparpiller ses indices, laissant au joueur le soin de reconstituer un puzzle volontairement lacunaire.
Si le titre souffre d’une certaine brièveté et d’un manque d’approfondissement des personnages secondaires, la tension constante et le malaise progressif parviennent à compenser cette économie de moyens, rappelant que parfois, ce que l’on ne voit pas est bien plus terrifiant que ce qui est montré.
Sous les cendres du grenier, la peur attend
Sous ses dehors sucrés de dessin animé éducatif, Amanda the Adventurer déploie un piège beaucoup plus retors. Ici, il n’y a ni hub luxuriant ni mécaniques éclatantes : seulement un grenier exigu, un magnétoscope grinçant, et l’étau invisible d’une volonté étrangère qui serre un peu plus fort à chaque cassette insérée.
Chaque session commence comme un jeu d’enfant : répondre aux questions d’Amanda, épeler des mots simples, pointer des objets. Mais très vite, le vernis s’écaille. Chaque réponse imposée devient une reddition silencieuse, chaque choix un test de soumission. Il ne s’agit pas de résoudre des énigmes pour progresser : il s’agit d’obéir pour survivre. Et quand vous essayez de résister, même timidement, Amanda le remarque. Elle n’oublie rien.
Le grenier, unique théâtre de votre agonie silencieuse, n’est pas un sanctuaire : c’est un autre puzzle, une autre trappe. Objets déplacés, inscriptions cryptiques, mécanismes cachés sous la poussière. Chaque session ajoute une couche d’inconfort, chaque changement anodin cache un avertissement muet. Ce n’est pas un lieu d’exploration : c’est un piège vivant, qui respire à votre insu.
Le rythme est volontairement brutal. Le jeu vous refuse la moindre accalmie. Il avance par saccades, par anicroches, brouillant la frontière entre votre confort de joueur et l’angoisse d’être observé. Certains passages frôlent l’absurde, d’autres glissent lentement dans une horreur feutrée, où même l’énigme la plus innocente peut devenir votre arrêt de mort.
Amanda the Adventurer n’offre aucune échappatoire par la rejouabilité. Une fois toutes les cassettes écoulées, toutes les erreurs commises, il ne reste que le malaise d’avoir participé. Le jeu ne cherche pas à être « long » ni « riche » : il cherche à vous coller à la peau, comme la sueur glacée au creux des épaules.
Sous les planches disjointes, les fissures apparaissent
Techniquement, Amanda the Adventurer sur Nintendo Switch ne fait pas de miracle, mais il réussit l’essentiel : maintenir l’illusion jusqu’au bout sans la trahir par des artifices inutiles. L’expérience, fluide, conserve cette raideur volontaire qui donne au moindre mouvement une tension étouffante. Le passage à la console hybride n’a pas dénaturé la structure étriquée du jeu, mais en mode portable, l’écran resserré rend le malaise encore plus tangible, comme si le grenier vous enfermait vraiment entre ses quatre murs.
Le temps de chargement entre les cassettes est quasi instantané, accentuant la sensation d’être piégé dans une boucle sans échappatoire. Chaque transition est brutale, sans pause, comme si la réalité même se refusait à vous laisser reprendre votre souffle.
Côté accessibilité, cependant, Amanda the Adventurer montre ses limites. Le jeu n’offre presque aucune option pour les joueurs nécessitant des ajustements spécifiques. Aucun paramétrage des sous-titres, aucun filtre visuel pour corriger la lisibilité de certaines énigmes, aucun mode simplifié pour les séquences plus cryptiques. Il faut plonger tel quel, sans bouée, au risque de se heurter à un mur d’incompréhension pour certains.
Quant aux contenus additionnels, ils se font rares. Pas de nouveaux modes, pas d’options bonus destinées à prolonger artificiellement l’expérience. Amanda the Adventurer reste fidèle à son propos initial : une expérience courte, ciselée, où le surplus aurait affaibli la morsure de son récit.
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