Sorti le 25 juillet 2024 sur Nintendo Switch, Abathor est l’œuvre de Pow Pixel Games, éditée par JanduSoft, qui propose une plongée à la fois mythologique et nostalgique dans une Atlantide réinventée. Oscillant entre plateforme, roguelite et hommage vibrant aux jeux rétro des années 80 et 90, Abathor ne se contente pas de copier ses illustres aînés : il entend ressusciter une certaine idée du défi et de l’exploration.
Avec ses plus de 50 niveaux inspirés des mystères atlantes, son pixel art ciselé, sa bande-son foisonnante, et une coopération jusqu’à quatre joueurs, le jeu semble vouloir conjuguer souvenirs d’enfance et ambitions modernes.
Mais dans cette cité engloutie par les légendes, Abathor parvient-il à éviter les écueils d’une nostalgie vaine pour véritablement ériger une épopée contemporaine ?
Les échos perdus de l’Atlantide
Sous ses airs d’hommage aux jeux d’arcade d’autrefois, Abathor cache un véritable soin porté à l’univers mythologique qu’il convoque. Inspiré des récits antiques de Platon et des cartes d’Athanasius Kircher, le jeu vous transporte dans une Atlantide dévastée par la colère des dieux, où le dernier espoir réside entre les mains des héros que vous incarnez.
Loin de se contenter d’un simple prétexte narratif, Abathor tisse une trame cohérente reliant chaque niveau, chaque boss et chaque fragment du monde exploré. Derrière l’apparente simplicité du scénario se dessine une fresque tragique, où la grandeur de l’Atlantide n’est plus qu’un souvenir étouffé par la mer et la malédiction divine. Chaque victoire contre un démon, chaque ruine conquise, chaque trésor découvert vient ainsi révéler un peu plus de l’effondrement d’une civilisation jadis bénie.
L’effort d’intégration narrative est d’autant plus remarquable que le genre ne s’y prête guère. Là où d’autres jeux rétro se seraient contentés de quelques écrans de texte, Abathor parvient à insuffler une dimension historique et symbolique, donnant du poids à vos périples et aux affrontements. Le mythe atlante n’est plus seulement un décor : il devient la clef de voûte émotionnelle de votre progression.
Même si l’histoire reste discrète dans sa manière d’apparaître, elle confère à l’ensemble une atmosphère crépusculaire, où chaque pierre engloutie semble murmurer les regrets d’un monde perdu.
La chute héroïque des Atlantes
Abathor construit son identité ludique sur un équilibre nerveux entre plateforme exigeante et roguelite impitoyable. Fidèle à l’héritage des jeux 16-bit, il impose un rythme soutenu, où chaque saut, chaque attaque, chaque esquive doit être pesée avec précision sous peine de voir son aventure brutalement interrompue.
La progression se déroule à travers plus de 50 niveaux aux architectures diversifiées, où pièges mortels, ennemis retors et boss colossaux attendent le moindre faux pas pour vous punir. L’influence metroidvania transparaît dans la conception labyrinthique de certaines zones, où l’exploration attentive est récompensée par des trésors, des pouvoirs ou des passages secrets, renforçant ainsi la rejouabilité.
Mais Abathor ne se contente pas de reproduire les recettes éprouvées. L’intégration d’éléments roguelite insuffle une incertitude permanente : niveaux générés partiellement de manière procédurale, apparition aléatoire des ennemis, et loot imprévisible imposent au joueur de s’adapter sans cesse, empêchant toute monotonie malgré la répétitivité inhérente au genre. Cette dynamique maintient la tension, même après de nombreuses heures de jeu.
Le jeu propose également un mode coopératif jusqu’à quatre joueurs, transformant la quête solitaire en odyssée collective. Si la coopération est essentielle pour venir à bout des donjons les plus ardus, la compétition pour les trésors introduit une dimension stratégique sournoise, où l’entraide se mêle à la rivalité, et où chaque victoire devient d’autant plus savoureuse.
La difficulté, quant à elle, ne faiblit jamais. Chaque niveau vous pousse à maîtriser les subtilités du gameplay : apprendre les timings d’attaque, repérer les pièges invisibles, utiliser à bon escient les pouvoirs acquis. Certains joueurs pourront trouver la courbe d’apprentissage abrupte, mais ceux qui persévèrent découvriront une intensité de jeu rare, capable de faire renaître les sensations brutes des grandes heures du platformer arcade.
Abathor ne cherche jamais à être indulgent. Il préfère exiger, pousser, punir, avant de récompenser par des moments de pure exaltation ceux qui auront su dompter ses mécaniques aussi classiques qu’impitoyables.
Le crépuscule pixelisé d’Atlantis
Abathor célèbre l’esthétique du pixel art avec une ferveur presque cérémonielle. Chaque niveau, chaque sprite, chaque animation semble issu d’un temps où le moindre détail visuel naissait de la contrainte technique, mais sublimé ici par des moyens modernes. Le résultat est un monde en ruine somptueux, où les fonds marins, les temples antiques et les citadelles dévastées s’entrelacent dans une fresque mouvante.
La diversité des environnements frappe dès les premières heures : des abysses insondables aux plaines éclatantes, en passant par des labyrinthes de pierre engloutis, chaque zone offre un nouveau visage de cette Atlantide déchue. Le souci du détail, la richesse des décors et la variété des palettes de couleurs évoquent avec justesse les heures de gloire des consoles 16-bit, sans jamais tomber dans l’imitation stérile.
Côté animation, Abathor se montre tout aussi inspiré. Les mouvements des héros sont fluides, les attaques tranchent l’air avec une vélocité convaincante, et les créatures mythologiques bénéficient d’un soin particulier dans leur animation, oscillant entre étrangeté et majesté déchue. Les effets visuels — impacts, explosions, distorsions aquatiques — respectent l’esthétique rétro tout en bénéficiant d’améliorations discrètes mais sensibles pour garantir une lisibilité optimale sur Switch.
La bande-son, composée de plus de 40 pistes, parachève cette immersion sensorielle. Chaque morceau épouse l’atmosphère du lieu visité : des nappes mélancoliques accompagnent les ruines solitaires, des rythmes martiaux galvanisent les batailles contre les dieux déchus. L’ensemble, loin d’être un simple ornement, devient un moteur émotionnel, portant l’exploration et les affrontements avec une intensité rare.
Les effets sonores complètent habilement l’expérience : les coups d’épée claquent avec brutalité, les cris des monstres résonnent dans les cavernes, et le fracas des temples s’effondrant ponctue les séquences les plus épiques. Chaque élément sonore, chaque note musicale contribue à rappeler que dans Abathor, l’Atlantide n’est pas morte : elle agonise encore, magnifique et terrifiante.
Les courants imprévisibles du mythe
Si Abathor séduit par son habillage et sa densité visuelle, c’est son approche systémique qui lui confère une profondeur inattendue. En intégrant des mécaniques roguelite au sein d’une structure de plateforme classique, le jeu impose une dynamique d’adaptation permanente où chaque session devient une nouvelle odyssée.
La génération procédurale partielle des niveaux renouvelle constamment l’exploration : ennemis déplacés, pièges redéployés, trésors repositionnés. Cette imprévisibilité exige une vigilance constante et empêche tout automatisme, renforçant le sentiment de survie dans une Atlantide en ruine.
Le mode coopératif jusqu’à quatre joueurs, localement, transforme également la physionomie des parties. Chaque allié supplémentaire modifie l’équilibre : les combats deviennent plus chaotiques, les stratégies doivent être ajustées à la volée, et la course aux trésors introduit une tension compétitive subtile mais permanente. Abathor ne se contente pas de permettre de jouer à plusieurs ; il construit ses mécaniques autour de cette instabilité volontaire.
En solo comme en multijoueur, la courbe de difficulté se montre implacable. La maîtrise des sauts, des attaques, et l’utilisation optimale des pouvoirs sont indispensables pour survivre aux vagues successives d’ennemis et aux boss massifs. Les défaites sont fréquentes, parfois brutales, mais jamais injustes : le jeu valorise l’apprentissage et la persévérance, deux vertus que les joueurs de la vieille école reconnaîtront immédiatement.
À cela s’ajoute une solide progression interne, où les pouvoirs et objets acquis influencent profondément la façon d’aborder les niveaux. Chaque amélioration obtenue devient une chance supplémentaire de repousser un peu plus les frontières de l’Atlantide engloutie, et de faire émerger, brièvement, un éclat d’espoir dans ce monde en perdition.
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